UTL. Les Français et le rapport au corps, de 1940 à nos jours, 16 11 2015

Depuis 1940, jamais le corps n’a connu une telle transformation selon Isabelle Bars, professeur agrégée d’EPS. Elle a analysé le 16 novembre, devant les membres de l’UTL, ces changements du corps « berceau originel de notre sensibilité ».

De 1940 à 1944, les Français ont souffert de la faim et des maladies, sous le régime de Pétain et l’occupation allemande. A Paris la mortalité a augmenté de 27 %. L’Etat français a voulu  former  « des êtres robustes et équilibrés », rompant avec «  l’intellectualisme » qu’il rendait responsable de la défaite. Dans un contexte d’Etat autoritaire, contrôlant tout, c’est une vision mécanique et morcelée du corps, à redresser par le sport, qui est imposée. Les femmes doivent être avant tout des mères.

 

Le corps dévoilé

 

De 1945 à 1968, le corps se dévoile. C’est le retour à la paix et à la démocratie c’est aussi plus de liberté, de temps libre et de loisirs. Les champions comme Cerdan, Anquetil, Poulidor ou Tabarly sont adulés. Le journal « l’Equipe » vend plus de 2 millions d’exemplaires. Les pratiques sportives et les équipements se développent.  Les femmes se libèrent en portant le pantalon, la minijupe, les collants, le bikini. La sexualité s’exprime dans des films, tel « Et Dieu créa la femme », dans des magazines comme Playboy et à la télévision.

 

Le corps libéré

 

De 1968 à l’an 2000, le corps se libère. L’émancipation amorcée durant la période précédente s’affirme : « jouissez sans entrave » devient le mot d’ordre, dès l’adolescence. En 1967 la loi Neuwirth autorise l’usage des contraceptifs. En 1975 la loi Veil permet l’interruption volontaire de grossesse. Les femmes abandonnent le corset et revendiquent l’égalité dans des manifestations féministes. Les films pornographiques se visionnent dans les cinémas et à la télévision par Canal Plus. Le commerce du Viagra est autorisé en 1999. Les pratiques sportives se généralisent, dans toutes les classes d’âge. La volonté de gagner à tout prix peut conduire au dopage. Les pratiques   se démocratisent tandis que les sports de l’extrême repoussent les limites du corps. Celui-ci devient une source de plaisir et de soins.

 

Mon corps est-il mon corps ?

 

Depuis l’an 2000 les évolutions s’accélèrent. L’espérance de vie bat des records : 79 ans pour les hommes, 84 ans pour les femmes. Les progrès de la médecine repoussent la période du grand âge. La quête de l’éternelle jeunesse explique le succès de la chirurgie esthétique et des soins de beauté. Les normes du beau imposent le contrôle du poids et la mode du corps ferme, lisse, épilé, parfois tatoué, encourageant le narcissisme. Les femmes ont gagné en légitimité. Elles peuvent accéder à toutes les professions. Le sport est de plus en plus présent : 84 % des seniors de 50 à 89 ans font du sport, au premier rang la marche, suivie de la natation, le fitness et la danse. Le sport spectacle mobilise les foules.

Le corps libéré se heurte aux maladies ressenties comme injustes mais encore présentes malgré les progrès de la médecine. La compétition du beau laisse beaucoup de monde sur la touche et les revenus sélectionnent les activités. Vieillir s’est aussi souvent la perte de la santé et de l’autonomie. Jusqu’où va le bien-être ? L’économie profite de cette espérance et parfois de cette obsession pour vendre ses produits, imposant ses codes. « Mon corps est-il mon corps ? » demande Primo Lévi.

 



21/11/2015
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