Marcel Burel petit séminariste à Saint-Vincent de Pont-Croix 21 02 11
Marcel Burel, petit séminariste à Saint-Vincent de Pont-Croix
Marcel Burel, aujourd’hui professeur de lettres classiques à la retraite, a franchi le 2 octobre 1952 le tunnel du petit séminaire de Pont-Croix. En 5 ans il est passé de la soumission à la rébellion face à un monde de la foi et de la clôture, dont il a brossé le tableau le 21 février devant les adhérents de l’UTL.
Les petits séminaires sont nés au 19ème siècle du besoin de prêtres après la Révolution. A Pont-Croix, l’ancien couvent des Ursulines devenu bien national fut racheté par le recteur de Mélars, Jean Le Coz, le 25 mars 1823, après un décret royal de Louis XVIII. Succédant aux écoles presbytérales, les petits séminaires ont appliqué les méthodes prônées par les jésuites et faisant la part belle à la discipline et à la mémoire. Saint-Vincent fut victime des querelles entre la République et l’Eglise à partir de 1903, malgré le soutien de la population. Il reprit en 1919 la formation des élites, à partir d’un recrutement essentiellement rural. Chaque grande famille paysanne tenait à avoir un prêtre.
Des rites datant du 19ème siècle
La vie des enfants au petit séminaire fut longtemps figée dans des rites datant du 19ème siècle. Réveillé à 6h 30 puis à 6h dans les grandes classes, le jeune élève assistait à la basse messe, après une toilette à l’eau froide et avant le petit déjeuner. L’instruction religieuse était dominante dans un enseignement basé sur le « par cœur » et la mémoire, dispensé par des prêtres. A côté du latin et du grec, le français était expurgé et les mathématiques réduites. Chaque élève avait son directeur de conscience et dans la paroisse d’origine le recteur l’emportait sur la famille. Le dimanche était réservé aux messes et aux vêpres avant la promenade à pied sur 15 à 16km. Le supérieur « le supin » avait un pouvoir absolu sur les 370 élèves.
La peur des punitions corporelles
Marcel Burel, originaire de Roscanvel, était passé par Pont Saint-Esprit, au temps de l’empoisonnement par l’ergot de seigle, son père travaillant sur le barrage de Donzères-Mondragon. Malgré son succès de conteur à l’entrée à Saint-Vincent, il subit le choc de la vie d’interne entre ces hauts murs barrant la route de la modernité. A la peur des punitions corporelles à coup de férule, de martinet ou de dictionnaire sur la tête s’ajoutaient les stages au piquet et les lignes par centaines. Les punitions collectives et les confessions répétées étaient de plus en plus mal vécues. Les récrées servaient de soupapes et plus encore les fêtes comme Noël et sa chasse aux corbeaux, la Sainte Enfance et sa loterie des Gras, la Fête Dieu et ses tonnes de sciure et de pétales. La venue des sœurs des camarades alimentaient les phantasmes dans cet univers de garçons.
Le petit séminaire sera fermé en 1973
Mais dans ces années 50, la révolution des campagnes et l’urbanisation accélérée créent des brèches dans ce monde protégé. « Salut les Copains », le cinéma, les débats, les enquêtes ouvrent les esprits sur un extérieur en pleine transformation et bouleversent les certitudes. La classe de 2de devient un foyer de rébellion contre les enseignants et les surveillants. Des élèves refusent de dire la messe, font le mur et boivent de la limonade. Marcel est renvoyé en mai 1957 avec 20 camarades. Monseigneur Fauvel crée le collège de Keraudren pour le second cycle et réduit Saint-Vincent au 1er cycle. Bientôt le recrutement s’effondre et le Petit Séminaire sera fermé en juin 1973, après 150 ans d’existence.