UTL - "Jean Moulin, sous-préfet, artiste en Bretagne" - André Cariou - 07 octobre 2019
UTL - 07 octobre 2019 - "Jean Moulin, sous-préfet, artiste en Bretagne" - André Cariou
Conservateur en chef du patrimoine et ancien directeur du musée des Beaux-arts de Quimper, historien de l'art.
En introduction, André Cariou, nous présente le contexte familial. Le père de Jean Moulin est engagé politiquement, et il détourne son fils de son côté artistique et de sa passion pour le dessin. Il effectue donc des études de droit et s'engage en politique, puis entre dans l'administration préfectorale. Tout d'abord sous-préfet d'Albertville à 26 ans, sa nomination suivante sera Châteaulin à 31 ans (de 1930 à 1933), nomination qu'il doit à Charles Daniélou, maire de Locronan, député et membre de gouvernements successifs. Cependant, après le lycée, ceci ne l'empêche pas de publier des dessins dans des revues (dessins humoristiques notamment). Dès l'obtention d'une fonction officielle, il prend le pseudo de Romanin (exposition à Chambéry).
Le propos de cette conférence est de s'attacher plus particulièrement à son oeuvre artistique en Bretagne et à ses fréquentations d'écrivains et de peintres. Il sépare sa vie de fonctionnaire de celle d'artiste. D'un côté il met un point d'honneur à remplir sa mission, visitant chaque commune, travaillant, très bien secondé par son secrétaire Jean Baptiste Lucas qui jouera également un rôle très important côté artistique. Les restes de la 1ère guerre mondiale sont partout. Il ressent le besoin de s'évader, continue de dessiner (transforme une pièce de la sous-préfecture en atelier), se rend à Quimper. Il fréquente le théâtre, le cinéma, les galeries et les artistes de la Presqu'île de Crozon et de Quimper, et vient à s'intéresser à la culture bretonne, aux pardons, aux meubles bretons, à la faïence.
Il est marqué par la population qu'il administre et dessine ce qu'il voit sur des carnets. Les pardons l'inspirent et en particulier celui de Ste Anne La Palud où il est marqué par les mendiants. Ses croquis révèlent la période sombre traversée par les châteaulinois et les bretons, la misère considérable, la foi bretonne invoquant la pitié du Christ. Très marqué par leurs souffrances, ses croquis et eaux fortes sont sombres, surréalistes. En parallèle, il collabore toujours avec des journaux humoristiques parisiens et y expose.
Il fréquente et se lie d'amitié avec de nombreux artistes bretons Max Jacob (poète et dessinateur) à Quimper, Saint-Pol-Roux (poète) à Camaret, Lionel Floch (peintre et graveur), le docteur Tuset par qui il découvre la faïence chez HB Quimper. Ainsi il réalise une seule céramique qui représente la Vierge et les saintes femmes pleurant sur le corps du Christ. Elle a été acquise par le musée des Beaux Arts de Quimper. Il ressort de la fréquentation de ce cercle d'amis la découverte de Tristan Corbière (1845-1875), dont il illustrera le recueil de poèmes Armor ainsi que son témoignage du camp de Conlie (planche) qui fait penser aux camps nazis de par les croix, cadavres, violence du charnier (prémonition?).
Puis nommé à Amiens il poursuit ses gravures avec, pour toutes, des relations à la mort. Pendant la guerre 39-45 il ouvre sa galerie «Romanin», galerie d'aquarelles et dessins de maîtres contemporains à Nice et y glisse sa propre collection. Il achète par exemple des œuvres de Tal Coat. Il prend comme codage les poèmes de Corbière dans la clandestinité.
Jean Moulin s'est enrichi à Châteaulin de tous ces multiples aspects. Plus tard sa sœur a enquêté à son sujet en venant dans la région châteaulinoise car ses relations n'étaient pas connues.