UTL -"L'arsenal de Brest, des origines à nos jours" par Frédéric Mallégol, le 19 février 2018
UTL - "L'arsenal de Brest, des origines à nos jours", par Frédéric Mallégol, professeur agrégé d'histoire
Frédéric Mallégol nous a fait plonger dans l'épopée de ce lieu unique de la construction et de la réparation navales, de la marine à voile au temps de la Royale au grand bouleversement industriel de la fin du XIXe siècle et l'arrivée des bâtiments en fer, puis au XXe et XXIe siècle.
Dès le XVe siècle des vaisseaux du roi sont armés à Brest. Mais c'est en 1631 que Richelieu, ministre de Louis XIII, choisit Brest pour créer un port militaire. L'impulsion décisive se fera sous Louis XIV, et Colbert dirigera les premiers travaux importants. Il s'agissait de construire les navires, de les abriter des tempêtes ou de l'espionnage. Il convient aussi de les réparer. Et à cet effet la première forme de radoub apparaît au 17e siècle. En l'occurrence c'est la plus ancienne au monde.
Le travail à l'arsenal nécessite de nombreux corps de métiers allant des ingénieurs (maquettes), aux charpentiers, menuisiers, forgerons, sculpteurs de proues (ex. Yves Collet), sans oublier les bagnards qui furent une force non négligeable. La construction d'un navire nécessite quant à elle 2000 chênes centenaires (Allier), des pins, des peupliers, des cordages, etc... L'arsenal emploie 10000 ouvriers à la fin du 19e siècle.
La révolution industrielle de la seconde moitié du 19e siècle, avec la construction de bâtiments en fer, puis en acier, apporte de nombreux changements, de nouveaux métiers. Les ateliers de mécanique, fonderie, chaudronnerie, ajustage, apparaissent sur le plateau des Capucins. L'arsenal continue de s'étendre. Napoléon III prend la décision de transférer le port de commerce dans l'anse de St Marc et de réserver l'accès de la Penfeld aux bâtiments de guerre. Il est devenu une ville dans la ville. De 1895 à 1914 sont lancés 12 cuirassiers, dont le Charlemagne, le Duguay-Trouin... Dans les années 30 ce seront 8 sous-marins. Il connaîtra son apogée après 1945.
L'emploi à l'arsenal était gage de stabilité professionnelle. C'était une communauté soudée. Le restaurant «La Gueule d'Or» voit le jour pour éviter l'alcoolisation. Il y a un suivi médical (le problème de l'amiante y est signalé par les médecins dès 1906). Des rituels de fraternité ont lieu (matchs pour le soutien aux familles...), du sport. Il existe bien évidemment une tradition militante avec une très forte syndicalisation (80 % en 1968). L'arsenal est aussi un tremplin politique. Les patronages sont gérés par les ouvriers de l'arsenal. Il convient en outre de retenir le savoir-faire avec l'école des apprentis, le concours sélectif, les stages ; par voie de conséquence il est vecteur de promotion sociale.
A la fin du XXe siècle l'interrogation sur l'avenir apparaît avec notamment la fin de la guerre froide. L'activité est compensée en partie par le chantier de L'Ile Longue, la construction de car-ferries, de voiliers de compétition, de plate-formes pétrolières. Le nombre d'ouvriers chute considérablement, et une lente féminisation s'opère dans les ateliers (ex. couture), mais aussi sur les chantiers, dans les bureaux, etc (à hauteur du tiers actuellement).
Le dernier bâtiment militaire construit à Brest fut le porte-avions «Charles-de-Gaulle» (à propulsion nucléaire). Mis en chantier en 1987, il est admis au service actif en 2001. Il n'y a plus de construction, mais de l'assemblage, de l'entretien.
L'arsenal change de statut au début des années 2000 et il n'est plus le premier employeur de la ville (CHU). La DCN (Direction des Constructions Navales) devient une société de droit privé. Appelée DCNS, son nom est désormais Naval Group. Ses horizons évoluent vers les énergies marines renouvelables, les hydroliennes, l'éolien flottant, l'énergie thermique des mers notamment.