UTL. La langue de communication par Olivier Macaux le 4 février 2014
UTL. La langue de communication par Olivier Macaux le 3 février 2014
Dans cette réalité de la langue, outil pour exprimer la pensée et communiquer avec les autres, Olivier Macaux a pris des exemples qui montrent les dangers d’une société de plus en plus soumise à la consommation et à la télécratie.
Dès les années 30, Victor Klemperer, fils d’un père juif, montrait la toute puissance de la langue des vainqueurs dans le IIIème Reich hitlérien. Joseph Goebbels ministre de l’éducation et de la propagande développait les moyens modernes de propagande. Il mettait à l’honneur le concept du peuple (Ein Volk) qui rassemble tous les Allemands dans le culte du chef (Mein Führer) et du parti nazi, au détriment de la lutte des classes et de l’individu libre. Le nazisme devient une véritable religion à laquelle tous doivent croire. Le thème de l’Aryen (croix gammée) permettait de rejeter les Juifs mais aussi les Tsiganes ou les Russes. C’est la « Lingua tertii Imperii », langue du IIIème Reich, langue des vainqueurs à laquelle on ne peut échapper.
Déjà au Vème siècle avant J.C. Socrate s’adressant aux sophistes insiste sur la langue comme moyen de connaissance et d’introspection, définissant la rhétorique (l’art de persuader au moyen du langage) et la dialectique (l’art de la discussion et du raisonnement). Au 16ème siècle Martin Luther conteste au pape l’interprétation de l’écriture. Au 19ème siècle les écrivains comme Flaubert se méfient de la communication par la langue et plus précisément par l’idiome, instance de production symbolique. Dans « Madame Bovary » Emma est contaminée par ses lectures de langue romantique qui la dépriment. Le pharmacien progressiste Homais lit les philosophes du 18ème siècle qu’il ne comprend pas. Dans le dictionnaire des idées reçues, Gustave Flaubert définit de manière ironique les lieux communs, les aphorismes et poncifs de la société de son époque.
Aujourd’hui , nous sommes entrés dans la société de communication et la culture de l’image remplace progressivement celle de l’écrit. Les Américains ont déjà abandonné l’écriture cursive dans 45 Etats. La langue du marché économique et de la consommation s’impose pour tous les usages, au bénéfice de la persuasion appuyée sur les émotions. Hippolyte Bernheim, champion de l’hypnose, considère, à la fin du 19ème siècle, que le cerveau accepte la suggestion par le langage. En conséquence « pour vendre un produit il faut solliciter les pulsions du consommateur », c’est le neuro-marketing.
Des essayistes ont tenté de la définir. Jaime Semprun, traducteur des ouvrages de George Orwell inventeur de la novlangue dans « 1984 », insiste sur cette transformation de la langue par l’omniprésence de la technique et de l’informatique. Selon Eric Hazan, qui met en avant la « Lingua Quintae Republicae », dans un clin d’œil amical à Klemperer, la domination du marketing fait régresser la société en privilégiant les pulsions au détriment du raisonnement. Il conduit à l’uniformisation des comportements. De plus la publicité et les médias gomment les aspérités des mots et édulcorent les oppositions dans la société. Les classes sociales deviennent des couches sociales, la lutte des classes se transforme en « dialogue entre partenaires sociaux » les aveugles deviennent des non-voyants et les vieux des seniors. Les termes techniques désignent des actions : beuguer, se déconnecter, percuter, capter. Par contre des mots comme solidarité, citoyen, culture, disparaissent peu à peu du langage courant. Bertrand Stiegler évoque la puissance de la télécratie au détriment de la singularité des individus, de l’art et de la littérature.
Maintenant, à l’ère de l’informatique, les SMS et les texto sont une nouvelle façon de penser la langue. L’orthographe est souvent abandonnée et le langage est simplifié au détriment de la pensée. La mauvaise maîtrise de la langue rend les gens manipulables par les instruments de propagande, la télé et la parole officielle.