UTL - "La peste en Bretagne" - JC KEROUANTON - 05 octobre 2020
UTL - "La peste en Bretagne" - Jean Claude KEROUANTON le 05 octobre 2020
La peste est sans doute la maladie dont les épidémies ont fait le plus de ravages en Bretagne comme ailleurs, notamment au Moyen-Age. La guerre de succession de Bretagne coïncida avec l’arrivée de la peste Noire. Près d’un tiers des Européens périrent, soit près de 13 millions d’individus.
La peste de Justinien (de 541 à 767) a décimé l’Occident. Puis la grande épidémie de cette terrible maladie (peste noire ou bubonique) se répand dans les années 1340 et marque profondément l’histoire européenne. La pandémie serait partie d’un siège des Mongols contre la citadelle de Caffa, en Crimée. Ils auraient catapulté des cadavres infectés contre la garnison génoise. Ainsi la maladie serait arrivée par les navires italiens en Europe. Elle est à Marseille en 1347. Partout dans les villes et villages, c’est la panique.
Elle ne tarde pas à toucher la Bretagne en 1348. Les malades sont pris de fièvre et de vomissements, sans compter l’apparition de ganglions. On ne trouvait plus personne, pour enterrer les victimes, de plus le commerce était touché, l’économie paralysée, et la terreur aidant, on enfermait toutes les familles dont un des membres avait été frappé.
Terrifiante, la peste va réapparaître dans les trois siècles suivants. Elle ressurgit d’ailleurs à la fin du XVIe siècle, alors que la Bretagne doit faire face aux guerres de la Ligue. À chaque fois, les victimes se comptent par milliers. Un contaminé sur cinq décède au bout d’une journée d’infection.
Les façades maritimes sont particulièrement touchées, les quartiers pauvres, les rues sont encombrées d’immondices et donc de rats, mais également les campagnes (travail du lin, tanneries...). Il est à déplorer le manque d'hygiène, l'insalubrité des habitations, plat commun, lits à plusieurs, les modes d'inhumations... La contagion se répand comme un incendie. Elle court d'une maison à l'autre où le feu est entretenu jusqu'au dernier survivant.
On implore la clémence : chapelles St Roch ou St Sébastien, calvaires (ex. Kerdévot à Ergué Gabéric avec la représentation des bubons), églises (Locmélar), statuaires, peintures, pélerinages (offrandes).
Dans les villes les riches notables fuient pour leurs manoirs quand la peste arrive. A Quimper des religieux s'investissent jusqu'au don de leur vie. Un personnage se dégage de cette période sombre, c’est celui de Yann Divoutou, surnommé Santig Du, le « saint Noir » ou Jean Discalceat, «aux pieds nus». Né à Saint-Vougay, en pays de Léon, vers 1279, il se serait fait moine franciscain en 1303. Vivant chichement, à l’instar des membres de son ordre, il aurait largement participé à la lutte contre l’épidémie de 1349, au point d’en mourir lui-même. On dit qu’à l’époque, la capitale de Cornouaille manque de bras pour enterrer toutes les victimes de l’épidémie. Rapidement, son tombeau devient un lieu de pèlerinage. Sa statue, au fond de la cathédrale de Quimper, est toujours l’objet d’un culte fervent.
La peste marque la culture populaire, notamment à travers une gwerz (complainte) du Barzaz Breiz. «La Peste d’Elliant» raconte les ravages de la maladie dans le pays d’Elliant et en l’occurrence, la mort des neuf enfants d’un couple et la folie des parents après un tel drame. Elle est représentée par un tableau du Malouin Louis Duveau au musée des beaux-arts de Quimper.
Quant aux soins, on trouve de nombreuses recettes, quelque peu utopiques, pour éloigner la peste (à base de sang d'animal, de sécrétions), mais aussi les saignées, le fer rouge. Caractéristique : le médecin de la peste est représenté vêtu d'une longue tunique, d'un chapeau, de gants, d'un masque en forme de long bec recourbé qui lui donne un air d'oiseau et dans lequel sont placées des herbes aromatiques, des éponges imbibées de vinaigre... A côté de cela des méthodes fonctionnent : la quarantaine, le lessivage. On tente de désinfecter en ébouillantant le linge, en le brûlant et en s'évertuant à imposer de l'hygiène dans les rues.
La lèpre faisait également beaucoup de ravages, cette infection s’était accrue depuis l’époque des Croisades, chaque paroisse était concernée. De même, on pourrait citer la rage.