UTL. Les colles de Pont-Aven par Nono et Paul Burel, le 19 janvier 2015
Répondant aux 62 colles de Pont-Aven, l’un par le dessin, l’autre par l’écriture, Nono et Paul Burel se sont renvoyé joyeusement la balle, devant les membres de l’UTL réunis à l’Agora de Châteaulin le 19 janvier.
Pont-Aven « ville de renom, 14 moulins, 15 maisons » était dans la seconde moitié du 19ème siècle un petit port actif et une ville de foires et de marchés où la confrérie des meuniers tenait le haut du pavé. Dans cette Bretagne, havre d’exotisme pour écrivains et artistes, Pont-Aven devint le fief de peintres américains, à la suite de Robert Wylie en 1864. Accueillis chaleureusement par Julia Guillou à l’hôtel des voyageurs, ces artistes « académiques » furent attirés par le pittoresque des costumes et des us et coutumes des Bretons.
Nono a dessiné, avec truculence et humour, cette société traditionnelle à l’heure américaine. Sous le crayon du caricaturiste les Bretons hauts en couleurs dansent, travaillent sur le port et boivent (beaucoup) toujours prêts pour la gaudriole et plaisantant volontiers au détriment de leurs hôtes.
Le camp des impressionnistes
Les Américains, proches de 100 dans les années 80, voient d’un mauvais œil arriver Paul Gauguin en 1886. Ancien marin puis agent de change à Paris, il est alors, à 38 ans, dans la dèche et prêt à tout oser en peinture. Il a été initié par son ami Schuffenecker et Camille Pissarro. Le camp des « impressionnistes » s’établit chez Marie-Jeanne Gloanec qui chouchoute ses pensionnaires, joyeux drilles aux poches percées, par sa cuisine roborative. Emile Bernard, Charles Laval, Armand Seguin, Emile Jourdan, Henri Delavallée, puis Paul Sérusier deviennent des habitués qui suivent Gauguin dans ses provocations. Celui-ci, si on croit Nono, s’impose par sa carrure, ses cheveux hirsutes et sa moustache fournie. Il porte le gilet bigouden et les « boutou koad ».
Les paysannes acceptent volontiers de poser pour une somme modique. Ceci leur a valu de multiples caricatures de Nono.
Nabis et Fauves
Emile Bernard créé le cloisonnisme et le synthétisme dans son tableau « Les Bretonnes dans la prairie ». Les aplats de couleurs pures, les formes cloisonnées d’un trait noir, les déformations de la perspective enchantent Gauguin qui adopte ce nouveau style, à la grande colère d’Emile qui l’accuse de plagiat.
En 1888, Paul Sérusier, débarqué à Pont-Aven, reçoit de Gauguin, au bois d’Amour, la leçon du « Talisman » : « Comment voyez-vous ces arbres ? Jaunes ! Eh bien mettez du jaune, le plus beau jaune de votre palette… » Ce tableau sera le coup d’envoi du mouvement des Nabis puis des Fauves.
Fasciné par la foi populaire, Gauguin peint le Christ jaune, le Christ vert, la Vision après le sermon. Ce dernier tableau est rejeté par le curé de Nison, tandis que le portrait de la belle Angèle sera aussi refusé par son modèle. Beaucoup d’œuvres des peintres installés à Pont-Aven furent ainsi contestées par la population qui en faisait parfois des paillassons ou des lanières pour les sabots. Seule Marie-Jeanne Gloanec se mua en collectionneuse et son exemple fut suivi par les marchands d’art parisiens.
Le Pouldu puis les Marquises
En 1889 Gauguin, en quête de tranquillité, se fait transporter au Pouldu par Jacob, capitaine des douanes franc buveur et joyeux drille. Installé à la buvette de la plage chez Marie Henry (Marie Poupée) Gauguin et ses amis, Meijer de Haan, Filiger, Séruzier, transforment la salle à manger en galerie d’exposition.
En 1895, après 6 séjours en Bretagne, Gauguin malade met le cap sur Tahiti puis débarque aux îles Marquises. Lui « le bouffeur de curé », achète un terrain à l’église, y fait construire une case sur pilotis au nom provocateur « la Maison du jouir ». Il meurt le 8 mai 1903 à côté d’un dernier tableau : « Village breton sous la neige ».
Aujourd’hui Pont-Aven tire sa notoriété du souvenir de l‘Ecole de Pont-Aven, malheureusement les peintures de Gauguin sont dispersées dans les musées du monde entier mais absentes de Pont-Aven.