UTL. Les écrivains dans la grande guerre 06 10 14
UTL. Les écrivains dans la Grande Guerre, 06 10 2014
Pour la rentrée de l’UTL au Juvénat le lundi 6 octobre Olivier Macaux, toujours aussi captivant, a éclairé le rôle des écrivains dans la guerre de 1914 à 1918.
Cette guerre, terriblement meurtrière, « un effroyable massacre mécanique » comme l’écrivit le philosophe Alain, fut un véritable traumatisme, à l’origine d’une nouvelle ère de l’histoire. Près de 9 millions de morts et 4 millions de blessés, mutilés, gazés ou « gueules cassées » créèrent une crise de conscience dans la civilisation européenne comme l’écrivait Usserl. Plusieurs écrivains français laissèrent leur vie sur les champs de bataille : Charles Péguy dès le 5 septembre 1914, Alain Fournier tué à Calonne le 22 septembre, Louis Pergaud porté disparu en avril 1915 après la bataille des Eparges. Blaise Cendrars fut amputé du bras droit, Guillaume Apollinaire trépané, Céline, Genevoix, Dorgelès réformés pour blessures.
La littérature de propagande
Une littérature de propagande, dans le droit fil du sentiment de « Revanche » nécessaire depuis la défaite de 1870, voulut en France glorifier la patrie en lutte. Maurice Barrès champion du jusqu’auboutisme sera appelé « le rossignol des carnages » par le pacifiste Romain Rolland. D’autres écrivains comme Maurice Leblanc (l’éclat d’obus), Gaston Leroux (Rouletabille à la guerre), Joseph Pinchon (Bécassine à la guerre), Louis Forton (Les Pieds Nickelés s’en vont en guerre) suivirent la même voie, de même que Thomas Mann en Allemagne.
Les témoignages de l’enfer
De 1916 aux années 30, les témoignages de l’enfer du soldat se multiplient. En 1916 « Le Feu » de Henri Barbusse, prix Goncourt fut un détonateur pour les consciences. L’horreur du calvaire quotidien du poilu « chair à canon » et la critique en règle de la hiérarchie de l’armée, fut un choc pour l’opinion. « Les Croix de bois »de Roland Dorgelès, décrivant une réalité hallucinante et folle, à l’écoute « des plaintes suppliantes de leurs râles », se rattachent au même courant pacifiste. Maurice Genevoix dans « Ceux de 14 » rassemble 5 ouvrages, ne critique pas mais, par son talen,t met fin à la légende héroïque.
En Allemagne, le poète Georg Trakl, en charge de blessés graves ne supporte pas l’horreur et « succombe à la guerre ». Fritz Von Ureh dans « Opfergang » raconte les terribles souffrances d’une compagnie à Verdun. Bertolt Brecht met en scène le retour d’un soldat trépané dans « Tambours de la nuit ». Erich Maria Remarque, dont l’ouvrage « A l’ouest rien de nouveau » parait en 1929, fustige la responsabilité des maîtres de jeunes étudiants soldats. La guerre est un piège qui ruine l’humanité. « De notre univers rien ne restait debout ». Ernst Junger, officier combattant, s’oppose à la tactique de la terre brulée et s’oppose à la destruction à distance.
Une critique radicale
Dans les années trente la littérature de guerre devient une critique radicale, empreinte de révolte et de nihilisme. « Le grand troupeau » de Jean Giono décrit le front et l’arrière. Drieu la Rochelle témoigne dans « La comédie de Charleroi », « je sentais l’homme mourir en moi ». Pour Céline dans « Voyage au bout de la nuit », « la raison est morte en novembre 1914 … l’instinct de mort a remplacé l’instinct de vie ». « je n’ai aucune haine, aucune ambition, aucun mobile… Etre vainqueur c’est vivre » écrit Gabriel Chevalier dans « La Peur ».