UTL - "Les pardons et le culte des fontaines" par Serge DUIGOU

UTL - Les Pardons et le culte des fontaines en Bretagne par Serge Duigou, historien et conférencier, le 25 mars 2019

 

  1. Les pardons, les chapelles, les fontaines

 Les pardons évoqués ici sont ceux du Finistère, de l’ouest du Morbihan et de l’ouest des Côtes d’Armor.

Le Pardon est une indulgence qui permet de réduire la période du Purgatoire. Le Pardon est une fête religieuse liée à une chapelle et à une fontaine guérisseuse. Des confesseurs étaient à la disposition des pèlerins dans la chapelle. On allait au Pardon pour soi, pour les membres de sa famille et ses proches (la pardonneuse), mais aussi pour les animaux (les Pardons de St Herbot, de St Eloi …). On y vénérait la Vierge, Ste Anne ; on y faisait des vœux, on en revenait avec différents objets sensés nous protéger, comme la petite clef de St Tugon, contre les chiens enragés.

Il y avait beaucoup de pardons car il y avait beaucoup de chapelles (plus de 1000) en Finistère). Pourquoi tant de chapelles ?

- L’habitat était dispersé, les chemins impraticables et il était difficile de rejoindre l’église paroissiale : la paroisse était divisée en trêves où se trouvait une chapelle.

- les celtes avait le culte de l’eau : on a christianisé leurs fontaines et construit une chapelle non loin de là.

- Tout manoir avait sa chapelle privée à proximité pour les habitants des alentours. La chapelle seigneuriale manifestait le pouvoir du châtelain.

 

    II. La taille, le déroulement, le rôle sociologique du Pardon

 Le Pardon était :

- celui d’un quartier de la paroisse,

- celui de la paroisse,

- celui d’un terroir, ex. Notre Dame de Penhors à Pouldreuzic,

- celui d’un évêché, ex. Sainte Anne la Palud, Notre Dame de Rumengol, Notre-Dame du Roncier à Josselin,

- ou encore un Pardon «national» breton comme Sainte Anne d’Auray ou la Troménie de Locronan (tous les 6 ans).

 

Le Pardon était organisé par les fabriciens ; il était précédé d’une veillée pénitentielle avec un grand feu, suivaient le lendemain nombre de messes avant le moment clef, le pique-nique sur le placître qui permettait les retrouvailles des familles et voisins. L’après-midi se déroulaient les vêpres puis la procession en direction de la fontaine guérisseuse. A la fin, les dons déposés sur les marches du calvaire étaient vendus aux enchères au bénéfice de la chapelle.

 

Le Pardon devait rapprocher les Chrétiens, d’où le salut des bannières en guise de concorde, quels qu’aient pu être les rivalités entre «plous», paroisses. Les cantiques étaient latins et bretons : le cantique de Notre Dame du Folgoët a servi de base à bien d’autres.

Le Pardon était une carte d’identité sociologique, ethnographique (les habits indiquaient l’appartenance à tel ou tel terroir), voire matrimoniale car, par un détail vestimentaire, jeune gens et jeunes filles ne portaient le même costume que les hommes et femmes mariés (couleurs, épingles de pardon à droite ou à gauche).

 

  •     III. Le Pardon, fête profane aussi

 On y trouvait une buvette, des gâteaux, des biscuits ; une petite fête foraine, des jeux et luttes bretons, des courses de chevaux et même des compétitions nautiques. Toutes ces attractions dépendaient d’une ère géographique. Ainsi en était-il de la boule de Pardon, boule en verre soufflé, mercurisée que l’on offrait à une éventuelle promise ; on y trouvait des épingles de Pardon originaires de Bohême ou d’Allemagne ; les marins offraient des ex-voto aux chapelles. Aux Pardons, la danse faisait concurrence aux offices : le recteur avait engagé un «casseur de biniou» près de St Jean Trolimon ! Il y avait aussi beaucoup de mendiants, leur présence était systématique.

 

M. Le Duigou a terminé sa conférence en illustrant ces fêtes religieuses par différents tableaux de peintres célèbres de 1858 à 1950. Pique-nique à Ste Anne la palud d’Eugène Boudin … Pardon de Penhors de Mathurin Méheut, Pardon de Kergoat de Jules Breton avec les mariées de l'année en rouge, Notre Dame des Portes par Sérusier...

 

Dans le climat de déchristianisation globale actuel, les Pardons résistent : c’est pour la Bretagne une manière authentique de se retrouver et de faire découvrir sa beauté et son identité.

 

 

E. G-D



03/04/2019
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