UTL - "Les prisons en France" par Alain Guilloux le 05 février 2018

UTL - «Les prisons en France» par Alain Guilloux, ancien bâtonnier, avocat honoraire à Vannes

 

Nous remercions M. Guilloux pour la clarté et l’humour qu’il a mis dans une conférence très sérieuse. D’emblée nous avons appris que le problème des prisons était récurrent en France et jamais traité : c’est une question politique et on a des idées, mais on ne sait pas comment ça se passe en prison.

 

Histoire de la prison :

Pour connaître l’histoire de l’incarcération, M. Guilloux nous recommande la lecture de Surveiller et punir de Michel Foucault.

Il existait des prisons dans l’empire romain qui n’étaient ni une peine, ni une institution. C’était le moyen de faire comparaître le suspect devant ses juges : un bref laps de temps avant la sentence qui générait soit un châtiment corporel (tortures), soit du travail dans les mines, soit la mise à mort à la Roche Tarpéienne (Rome). Cette pratique continuera au Moyen Age. Le juge avait la liberté du choix de la peine car il n’y avait pas de code dans le droit séculier.

C’est par l’Eglise qui ne peut prononcer de peine capitale, que naîtra la prison c'est à dire l’enfermement, l’emmurement dans les monastères ; selon sa peine, le délinquant avait droit au «mur large» qui permettait la visite des proches avec de la nourriture, la possession d’un matelas, la promenade alentour. Sinon, c’était le «mur sévère» et le condamné était enchaîné debout au mur de sa geôle et privé de tout contact. L’inquisition aggravera le système.

La monarchie va s’inspirer de ces pratiques : les Valois vont créer des prisons pour des «matières» politiques. Sous Louis XIV apparurent les «lettres de cachet» permettant d’emprisonner à discrétion. Le quartier de la pistole, prison des riches permettait un certain confort ; le quartier du commun ne vivait que de la charité.

La Révolution va vouloir la même peine pour tous : la prison (cf. les cahiers de doléance). A partir du second Empire, il existera la prison éloignée, le bagne. Il faut des moyens pour créer un parc immobilier de prisons. L’école positiviste va montrer l’importance de la personne qui commet l’infraction : la peine de prison n’est pas vécue de la même façon par chacun.

 

Qu’est-ce que la prison ?

La loi Taubira de 2014 nous donne des pistes de réponses. La peine de prison sanctionne et doit favoriser l’amendement, l’insertion ou la réinsertion. La peine est une souffrance, une douleur, infligée avec raison.

- Elle a une fonction morale rétributrice et confisque la vengeance privée.

- Elle a une fonction d’exemplarité et d’intimidation pour le prévenu et son entourage. Il est un cas qui laisse perplexe : Damien ayant porté un coup de couteau à Louis XV a affirmé connaître les supplices endurés par Ravaillac jusqu’à ce que mort s’en suive. A travers la migration de la guillotine du boulevard Arago, à l’intérieur de la Santé on a noté le manque d’exemplarité de la peine capitale.

- Elle a une fonction de réadaptation pour ne pas récidiver : actuellement on en sort pire qu’avant. Depuis l’abolition de la peine de mort en 1981 la quasi totalité des détenus se retrouve dehors au bout de quelques temps.

C’est le Juge d’application des peines qui suit les ex-détenus : il y a 181 juges et chacun suit 380 détenus ! Il devrait y avoir un intérêt thérapeutique à la prison et c’est mission impossible.

 

La privation de liberté :

La garde à vue avec procès-verbaux auxquels ont accès les avocats. Problème d’argent (sandwich, qui paie ?) Problème d’hygiène (draps non lavés, douche..)

La détention provisoire avant le jugement. (3 à 4 ans d’attente, 2 ans sont exigés par la cour européenne des droits de l’homme).

Les Maisons d’Arrêt pour la détention provisoire sont surpeuplées car on y mêle prévenus, condamnés de droit commun, et islamistes. C’est un lieu de contamination. De même que dans les prisons centrales comme Fresnes.

Quelles alternatives à la prison ? 

- La semi-liberté avec travail ou formation professionnelle.

- La liberté conditionnelle accordée à mi- peine pour une première affaire, à 2/3 de peine pour un récidiviste.

 - La réduction de peine si on se tient bien ; elle est quasi automatique et permet l’espoir au condamné.

 - Le sursis : caractère éducatif.

 - Le sursis avec mise à l’épreuve.

 - Le travail d’intérêt général.

 - Le bracelet électronique : prison à domicile avec horaires pour les courses et le travail.

 

Quatre constats : * 1 détenu par cellule individuelle, ce n’est pas appliqué car impossible. * parc immobilier vétuste (mérule), matelas à même le sol, y compris dans les couloirs. * juges plus sévères comme l’exige la population. * Abandon des détenus par la société qui ne veut pas savoir ; 69000 personnes en prison dont 20000 pas encore jugés.

 

Quelle que soit la sévérité de la peine, l’humanisme doit régner dans les maisons de détention et la société ne doit pas non plus faire fi des gardiens de prisons.

 

E.G-D



12/02/2018
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