UTL - "Qu'est-ce que le 7e art ?" Philippe Cloarec - le 25 février 2019
UTL - "Qu’est-ce que le septième art ?" -25 février 2019
Par Philippe Cloarec enseignant–directeur de l’association «Film et Culture»
L’association «Film et Culture», association populaire, fondée en 1956 travaille sur l’analyse de l’image. Elle est destinée à des enfants et des adolescents.
La question du cinéma est développée chronologiquement par l’évocation de figures et de mouvements majeurs du premier demi-siècle du cinéma.
Les pionniers :
- Thomas Edison, inventeur du phonographe rêvait d’apporter pour «l’œil, ce que le phonographe fait pour l’oreille» : c’est le kinétoscope qui ne projette que pour un seul spectateur.
- En 1895, les frères Lumière inventent le cinématographe, destiné lui, à un public. Ils prennent l’opéra et le théâtre comme référence : l’écran est la scène. L’humanisme à travers la vie quotidienne, les repas, la sortie du travail… ainsi que le farfelu, le comique, les intéressent. La vie ordinaire est digne d’intérêt et de respect : c’est une valeur cardinale. Le film dure 50 secondes, il est muet et le cinématographe fait partie des arts du cirque, se déroulant sous chapiteau. Le langage des images est universel, sans barrière linguistique, aussi le parlant eut-il du mal à s’imposer. Il n’y a pas de montage, ça se déroule comme au théâtre, sans cadrage.
Le regard du spectateur va évoluer ; il faut un recul possible entre la caméra et la scène filmée, une profondeur de champ qui permettra à Orson Welles de créer le vertige. On découvre l’élégance du cadrage : composer une image est aussi important que de composer un tableau. En studio on a la maîtrise totale de la lumière, une poésie de l’instant grâce à la lumière de l’instant. Peu à peu, le plan fixe disparaît, on assiste au déplacement de la caméra sur une gondole à Venise, sur des rails et une plateforme.
- Georges Méliès était un prestidigitateur, un homme de cabaret : trucages et magies animent un divertissement qui est valeur en soi. Le rythme de la mise en scène est accompagné par un piano, un bonimenteur et plus tard par des cartons restituant le dialogue. Le rythme s’accélère créant la fascination, le plaisir de notre cerveau reptilien : ça permet toutes les manipulations (jeux vidéos). Le film Hugo Cabret retrace la fin de vie de Méliès à la gare Montparnasse.
- Buster Keaton nous propose le rire pour le rire, une dimension physique du burlesque, souvent dimension cruelle (quelqu’un qui glisse et tombe), c’est un moment de pur égoïsme face à un accident du réel.
L’expressionisme allemand
A partir de 1910, il accompagne la République de Weimar. Sa quête c’est la laideur : une donnée psychique, la pulsion animale, nourrit le cinéma et la guerre de 14-18 révèle une société de monstres : l’individu est potentiellement un monstre, nous sommes potentiellement tous des assassins. Nommons Fritz Lang dont les œuvres prodigieuses Métropolis, M. Le maudit font découvrir dès les années 20, qu’une seule image révèle autant qu’une œuvre écrite de 200 pages : dans M. Le maudit, « les images pensent par symboles ». La flèche est un symbole sexuel, la spirale celui de l’emprise. Le mal est suggéré par l’ombre. M. n’est pas le maître de sa vie il est le serial killer qui traduit, en surface, son délire intérieur. Autre exemple : l'aveugle montre aux voyants ce que nous devons voir, être attentif au monde, ne pas se laisser manipuler.
- Griffith utilise l'insert (gros plan), le détail qui dit tout. Ex : le couteau dans la poche pour couper une pomme.
- Eisenstein en 1925 avec le Cuirassé Potemkine (cinéma soviétique) fait le constat du pouvoir bolchevique effrayant, de la propagande. Les recadrages sont importants : repérage des visages pour attirer l'attention sur l'horreur qui va suivre, convaincre que le régime du tsar est implacable. Il utilise le travelling, façon de filmer révolutionnaire à l'époque. La scène la plus célèbre du film est celle du massacre de civils sur l'escalier monumental d'Odessa (soldats tirant sur la foule, les victimes, le landau dévalant la pente...).